Hauteville-House, 7 février 1869.

J’ai été comme vous, monsieur, durement atteint, et pleurer m’est facile.

Du reste, je suis accoutumé à cet hiver de l’âme qu’on appelle la douleur ; dix-sept ans d’exil, c’est dix-sept ans de deuil, l’exil n’est autre chose qu’un veuvage. J’aimais votre père. Nos deux jeunesses s’étaient rencontrées et j’avais vu l’aube de son talent qui a été dans son art spécial, comme un jour nouveau.

Faire vrai, c’est créer. Paul Huet a fait vrai, de là sa puissance. Il a compris la nature comme il faut la comprendre, empreinte de réalité et pénétrée d’idéal. Oui, je le pleure. C’était en même temps un noble et ferme caractère. Vous êtes son digne fils, je le sais. Je vous serre la main.

Victor Hugo.

À Auguste Vacquerie.

H.-H., 10 février.

Quelles belles lettres vous m’écrivez ! Vos lettres seront un jour le commentaire magistral, qui dispensera de tout autre. Je crois que vous serez content des Tomes 3 et 4. Seriez-vous assez bon pour lire ce qui est derrière, et le communiquer à M. Lacroix. Savez-vous l’adresse de M. Paul Huet fils ? Voulez-vous lui transmettre ceci de ma part ? Écrivez-moi sur ce doux pupitre plein de souvenirs. M. Béghin m’accable de lettres. Lui avez-vous fait la commission par M. Lestrinqué ? S’il y tient absolument, je lui enverrai son manuscrit par la poste, mais je voulais lui épargner les 40 fr. que cela lui coûtera. Dites-le lui, de grâce ; mais que d’ennuis je vous donne ! Pardonnez-moi, aimez-moi, donnez-nous Faust, soyez plus grand que Gœthe, et je vous embrasse.

V.

Au Rédacteur en chef
de l’Indépendant de la Charente-Inférieure.

Share on Twitter Share on Facebook