SCÈNE III.

OTBERT, GUANHUMARA.

GUANHUMARA, posant la main sur l’épaule d’Otbert.

Es-tu content ?

OTBERT, avec épouvante.

Guanhumara !

GUANHUMARA.

Tu vois, j’ai tenu ma promesse.

OTBERT.

Je tiendrai mon serment.

GUANHUMARA.

Sans pitié ?

OTBERT.

Sans faiblesse.

À part.

Après, je me tûrai

GUANHUMARA.

L’on t’attendra ce soir.

À minuit.

OTBERT.

Où ?

GUANHUMARA.

Devant la tour du drapeau noir.

OTBERT.

C’est un lieu redoutable, et personne n’y passe.

On dit que le rocher garde une sombre trace…

GUANHUMARA.

Une trace de sang, qui sur le mur descend

D’une fenêtre au bord du torrent.

OTBERT, avec horreur.

C’est du sang !

Tu le vois, le sang tache et brûle.

GUANHUMARA.

Le sang lave

Et désaltère.

OTBERT.

Allons ! ordonne à ton esclave.

Qui trouverai-je au lieu marqué ?

GUANHUMARA.

Tu trouveras

Un homme masqué, – seul.

OTBERT.

Après ?

GUANHUMARA.

Tu le suivras.

OTBERT.

C’est dit.

Guanhumara saisit vivement le poignard qu’Otbert porte à sa ceinture, le tire du fourreau, et fixe sur la lame un regard terrible, puis ses yeux se relèvent vers le ciel.

GUANHUMARA.

Ô vastes cieux ! ô profondeurs sacrées !

Morne sérénité des voûtes azurées !

Ô nuit dont la tristesse a tant de majesté !

Toi qu’en mon long exil je n’ai jamais quitté,

Vieil anneau de ma chaîne, ô compagnon fidèle,

Je vous prends à témoin ; – et vous, murs, citadelle,

Chênes qui versez l’ombre aux pas du voyageur,

Vous m’entendez, – je voue à ce couteau vengeur

Fosco, baron des bois, des rochers et des plaines,

Sombre comme toi, nuit ; vieux comme vous, grands chênes !

OTBERT.

Qu’est-ce que ce Fosco ?

GUANHUMARA.

Celui qui doit mourir

Elle lui rend le poignard.

De ta main. À ce soir.

Elle sort par la galerie du fond sans voir Job et Régina, qui entrent du côté opposé.

OTBERT, seul.

Ciel !

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