Lorsque Abd-el-Kader dans sa geôle Vit entrer l’homme aux yeux étroits Que l’histoire appelle — ce drôle, — Et Troplong — Napoléon trois ; — Qu’il vit venir, de sa croisée, Suivi du troupeau qui le sert, L’homme louche de l’Élysée, — Lui, l’homme fauve du désert ; Lui, le sultan né sous les palmes, Le compagnon des lions roux, L’émir pensif, féroce et doux ; Lui, sombre et fatal personnage Qui, spectre pâle au blanc burnous, Bondissait, ivre de carnage, Puis tombait dans l’ombre à genoux ; Qui, de sa tente ouvrant les toiles, Et priant au bord du chemin, Tranquille, montrait aux étoiles Ses mains teintes de sang humain ; Qui donnait à boire aux épées, Et qui, rêveur mystérieux, Assis sur des têtes coupées, Contemplait la beauté des cieux ; Voyant ce regard fourbe et traître, Ce front bas de honte obscurci, Lui, le beau soldat, le beau prêtre, Il dit : Quel est cet homme-ci ? Devant ce vil masque à moustaches, Il hésita ; mais on lui dit : « — Regarde, émir, passer les haches, Cet homme, c’est César bandit. « Écoute ces plaintes amères Et cette clameur qui grandit. Cet homme est maudit par les mères, Par les femmes il est maudit ; « Il les fait veuves, il les navre ; Il prit la France et la tua, Il ronge à présent son cadavre. » Alors le hadji salua. Mais au fond toutes ses pensées Méprisaient le sanglant gredin ; Le tigre aux narines froncées Flairait ce loup avec dédain. |
Jersey, novembre 1852.