IV

Donc l’épopée échoue avant qu’elle commence !

Annibal a pris un calmant ;

L’Europe admire, et mêle une huée immense

À cet immense avortement.

Donc ce neveu s’en va par la porte bâtarde !

Donc ce sabreur, ce pourfendeur,

Ce masque moustachu dont la bouche vantarde

S’ouvrait dans toute sa grandeur,

Ce césar qu’un valet tous les matins harnache

Pour s’en aller dans les combats,

Cet ogre galonné dont le hautain panache

Faisait oublier le front bas,

Ce tueur qui semblait l’homme que rien n’étonne,

Qui jouait, dans les hosanna,

Tout barbouillé du sang du ruisseau Tiquetonne,

La pantomime d’Iéna,

Ce héros que Dieu fit général des jésuites,

Ce vainqueur qui s’est dit absous,

Montre à Clio son nez meurtri de pommes cuites,

Son œil éborgné de gros sous !

Et notre armée, hélas ! sa dupe et sa complice,

Baisse un front lugubre et puni,

Et voit sous les sifflets s’enfuir dans la coulisse

Cet écuyer de Franconi !

Cet histrion, qu’on cingle à grands coups de lanière,

A le crime pour seul talent ;

Les Saint-Barthélemy vont mieux à sa manière

Qu’Aboukir et que Friedland.

Le cosaque stupide arrache à ce superbe

Sa redingote à brandebourgs ;

L’âne russe a brouté ce Bonaparte en herbe.

Sonnez, clairons ! battez, tambours !

Tranche-Montagne, ainsi que Basile, a la fièvre ;

La colique empoigne Agramant ;

Sur le crâne du loup les oreilles du lièvre

Se dressent lamentablement.

Le fier-à-bras tremblant se blottit dans son antre ;

Le grand sabre a peur de briller ;

La fanfare bégaie et meurt ; la flotte rentre

Au port, et l’aigle au poulailler !

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