I

Temps futurs ! vision sublime !

Les peuples sont hors de l’abîme.

Le désert morne est traversé.

Après les sables, la pelouse ;

Et la terre est comme une épouse,

Et l’homme est comme un fiancé !

Dès à présent l’œil qui s’élève

Voit distinctement ce beau rêve
Qui sera le réel un jour ;

Car Dieu dénoûra toute chaîne,

Car le passé s’appelle haine

Et l’avenir se nomme amour !

Dès à présent dans nos misères

Germe l’hymen des peuples frères ;

Volant sur nos sombres rameaux,

Comme un frelon que l’aube éveille,

Le progrès, ténébreuse abeille,

Fait du bonheur avec nos maux.

Oh ! voyez ! la nuit se dissipe.

Sur le monde qui s’émancipe,

Oubliant Césars et Capets,

Et sur les nations nubiles,

S’ouvrent dans l’azur, immobiles,

Les vastes ailes de la paix !

Ô libre France enfin surgie !

Ô robe blanche après l’orgie !

Ô triomphe après les douleurs !

Le travail bruit dans les forges,

Le ciel rit, et les rouges-gorges

Chantent dans l’aubépine en fleurs !

La rouille mord les hallebardes.

De vos canons, de vos bombardes,

Il ne reste pas un morceau

Qui soit assez grand, capitaines,

Pour qu’on puisse prendre aux fontaines

De quoi faire boire un oiseau.
Les rancunes sont effacées ;

Tous les cœurs, toutes les pensées,

Qu’anime le même dessein,

Ne font plus qu’un faisceau superbe ;

Dieu prend pour lier cette gerbe

La vieille corde du tocsin.

Au fond des cieux un point scintille.

Regardez, il grandit, il brille,

Il approche, énorme et vermeil.

Ô République universelle,

Tu n’es encor que l’étincelle,

Demain tu seras le soleil.

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