I

En ces temps-là, c’était une ville tombée

Au pouvoir des anglais, maîtres des vastes mers,

Qui, du canon battue et de terreur courbée,

Disparaissait dans les éclairs.

C’était une cité qu’ébranlait le tonnerre

À l’heure où la nuit tombe, à l’heure où le jour naît,

Qu’avait prise en sa griffe Albion, qu’en sa serre

La République reprenait.

Dans la rade couraient les frégates meurtries ;

Les pavillons pendaient, troués par le boulet ;

Sur le front orageux des noires batteries

La fumée à longs flots roulait.

On entendait gronder les forts, sauter les poudres ;

Le brûlot flamboyait sur la vague qui luit ;

Comme un astre effrayant qui se disperse en foudres,

La bombe éclatait dans la nuit.

Sombre histoire ! Quels temps ! Et quelle illustre page !

Tout se mêlait, le mât coupé, le mur détruit,

Les obus, le sifflet des maîtres d’équipage,

Et l’ombre, et l’horreur, et le bruit.

Ô France ! tu couvrais alors toute la terre

Du choc prodigieux de tes rébellions.

Les rois lâchaient sur toi le tigre et la panthère,

Et toi tu lâchais les lions.

Alors la République avait quatorze armées ;

On luttait sur les monts et sur les océans.

Cent victoires jetaient au vent cent renommées.

On voyait surgir les géants.

Alors apparaissaient des aubes rayonnantes.

Des inconnus, soudain éblouissant les yeux,

Se dressaient, et faisaient aux trompettes sonnantes

Dire leurs noms mystérieux.

Ils faisaient de leurs jours de sublimes offrandes ;

Ils criaient : Liberté ! guerre aux tyrans ! mourons !

Guerre ! — et la gloire ouvrait ses ailes toutes grandes

Au-dessus de ces jeunes fronts !