II

Oui, c’est un prêtre que Socrate !

Oui, c’est un prêtre que Caton !

Quand Juvénal fuit Rome ingrate,

Nul sceptre ne vaut son bâton ;

Ce sont des prêtres, les Tyrtées,

Les Solons aux lois respectées,

Les Platons et les Raphaëls !

Fronts d’inspirés, d’esprits, d’arbitres !

Plus resplendissants que les mitres

Dans l’auréole des Noëls !

Vous voyez, fils de la nature,

Apparaître à votre flambeau

Des faces de lumière pure,

Larves du vrai, spectres du beau ;

Le mystère, en Grèce, en Chaldée,

Penseurs, grave à vos fronts l’idée

Et l’hiéroglyphe à vos murs ;

Et les Indes et les Égyptes

Dans les ténèbres de vos cryptes

S’enfoncent en porches obscurs !

Quand les cigognes du Caÿstre

S’envolent aux souffles des soirs ;

Quand la lune apparaît sinistre

Derrière les grands dômes noirs ;

Quand la trombe aux vagues s’appuie ;

Quand l’orage, l’horreur, la pluie,

Que tordent les bises d’hiver,

Répandent avec des huées

Toutes les larmes des nuées

Sur tous les sanglots de la mer ;

Quand dans les tombeaux les vents jouent

Avec les os des rois défunts ;

Quand les hautes herbes secouent

Leur chevelure de parfums ;

Quand sur nos deuils et sur nos fêtes

Toutes les cloches des tempêtes

Sonnent au suprême beffroi ;

Quand l’aube étale ses opales,

C’est pour ces contemplateurs pâles

Penchés dans l’éternel effroi !

Ils savent ce que le soir calme

Pense des morts qui vont partir ;

Et ce que préfère la palme,

Du conquérant ou du martyr ;

Ils entendent ce que murmure

La voile, la gerbe, l’armure,

Ce que dit, dans le mois joyeux

Des longs jours et des fleurs écloses,

La petite bouche des roses

À l’oreille immense des cieux.

Les vents, les flots, les cris sauvages,

L’azur, l’horreur du bois jauni,

Sont les formidables breuvages

De ces altérés d’infini ;

Ils ajoutent, rêveurs austères,

À leur âme tous les mystères,

Toute la matière à leurs sens ;

Ils s’enivrent de l’étendue ;

L’ombre est une coupe tendue

Où boivent ces sombres passants.

Comme ils regardent, ces messies !

Oh ! comme ils songent effarés !

Dans les ténèbres épaissies

Quels spectateurs démesurés !

Oh ! que de têtes stupéfaites !

Poëtes, apôtres, prophètes,

Méditant, parlant, écrivant,

Sous des suaires, sous des voiles,

Les plis des robes pleins d’étoiles,

Les barbes au gouffre du vent !

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