III

Savent-ils ce qu’ils font eux-mêmes,

Ces acteurs du drame profond ?

Savent-ils leur propre problème ?

Ils sont. Savent-ils ce qu’ils sont ?

Ils sortent du grand vestiaire

Où, pour s’habiller de matière,

Parfois l’ange même est venu.

Graves, tristes, joyeux, fantasques,

Ne sont-ils pas les sombres masques

De quelque prodige inconnu ?

La joie ou la douleur les farde ;

Ils projettent confusément,

Plus loin que la terre blafarde,

Leurs ombres sur le firmament ;

Leurs gestes étonnent l’abîme ;

Pendant qu’aux hommes, tourbe infime,

Ils parlent le langage humain,

Dans des profondeurs qu’on ignore,

Ils font surgir l’ombre ou l’aurore,

Chaque fois qu’ils lèvent la main.

Ils ont leur rôle ; ils ont leur forme ;

Ils vont, vêtus d’humanité,

Jouant la comédie énorme

De l’homme et de l’éternité ;

Ils tiennent la torche ou la coupe ;

Nous tremblerions si dans leur groupe,

Nous, troupeau, nous pénétrions !

Les astres d’or et la nuit sombre

Se font des questions dans l’ombre

Sur ces splendides histrions.

Share on Twitter Share on Facebook