I

Qui peut savoir combien de jalouses pensées,

De haines, par l’envie en tous lieux ramassées,

De sourds ressentiments, d’inimitiés sans frein,

D’orages à courber les plus sublimes têtes,

Combien de passions, de fureurs, de tempêtes,

Grondent autour de toi, jeune homme au front serein !

Tu ne le sais pas, toi ! — Car tandis qu’à ta base

La gueule des serpents s’élargit et s’écrase,

Tandis que ces rivaux, que tu croyais meilleurs,

Vont t’assiégeant en foule, ou dans la nuit secrète

Creusent maint piège infâme à ta marche distraite,

Pensif, tu regardes ailleurs !

Ou si parfois leurs cris montent jusqu’à ton âme,

Si ta colère, ouvrant ses deux ailes de flamme,

Veut foudroyer leur foule acharnée à ton nom,

Avant que le volcan n’ait trouvé son issue,

Avant que tu n’aies mis la main à ta massue,

Tu te prends à sourire et tu dis : À quoi bon ?

Puis voilà que revient ta chère rêverie,

Famille, enfant, amour, Dieu, liberté, patrie ;

La lyre à réveiller ; la scène à rajeunir ;

Napoléon, ce dieu dont tu seras le prêtre ;

Les grands hommes, mépris du temps qui les voit naître,

Religion de l’avenir !

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