II

Allez donc ! ennemis de son nom ! foule vaine !

Autour de son génie épuisez votre haleine !

Recommencez toujours ! ni trêve, ni remord.

Allez, recommencez, veillez, et sans relâche

Roulez votre rocher, refaites votre tâche,

Envieux ! — Lui poëte, il chante, il rêve, il dort.

Votre voix, qui s’aiguise et vibre comme un glaive,

N’est qu’une voix de plus dans le bruit qu’il soulève.

La gloire est un concert de mille échos épars,

Chœurs de démons, accords divins, chants angéliques,

Pareil au bruit que font dans les places publiques

Une multitude de chars.

Il ne vous connaît pas. — Il dit par intervalles

Qu’il faut aux jours d’été l’aigre cri des cigales,

L’épine à mainte fleur ; que c’est le sort commun ;

Que ce serait pitié d’écraser la cigale ;

Que le trop bien est mal ! que la rose au Bengale

Pour être sans épine est aussi sans parfum.

Et puis, qu’importe ! amis, ennemis, tout s’écoule.

C’est au même tombeau que va toute la foule.

Rien ne touche un esprit que Dieu même a saisi.

Trônes, sceptres, lauriers, temples, chars de victoire,

On ferait à des rois des couronnes de gloire

De tout ce qu’il dédaigne ici !

Que lui font donc ces cris où votre voix s’enroue ?

Que sert au flot amer d’écumer sur la proue ?

Il ignore vos noms, il n’en a point souci,

Et quand, pour ébranler l’édifice qu’il fonde,

La sueur de vos fronts ruisselle et vous inonde,

Il ne sait même pas qui vous fatigue ainsi.

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