XXXIX Bounaberdi

Grand comme le monde.

Souvent Bounaberdi, sultan des francs d’Europe,

Que comme un noir manteau le semoun enveloppe,

Monte, géant lui-même, au front d’un mont géant,

D’où son regard, errant sur le sable et sur l’onde,

Embrasse d’un coup d’œil les deux moitiés du monde

Gisantes à ses pieds dans l’abîme béant.

Il est seul et debout sur ce sublime faîte.

À sa droite couché, le désert qui le fête

D’un nuage de poudre importune ses yeux ;

À sa gauche la mer, dont jadis il fut l’hôte,

Élève jusqu’à lui sa voix profonde et haute,

Comme aux pieds de son maître aboie un chien joyeux.

Et le vieil empereur, que tour à tour réveille

Ce nuage à ses yeux, ce bruit à son oreille,

Rêve, et, comme à l’amante on voit songer l’amant,

Croit que c’est une armée, invisible et sans nombre,

Qui fait cette poussière et ce bruit pour son ombre,

Et sous l’horizon gris passe éternellement !

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