V

Sa pauvre mère ! — hélas ! de son sort ignorante,

Avoir mis tant d’amour sur ce frêle roseau,

Et si longtemps veillé son enfance souffrante,

Et passé tant de nuits à l’endormir pleurante

Toute petite en son berceau !

À quoi bon ? — Maintenant la jeune trépassée,

Sous le plomb du cercueil, livide, en proie au ver,

Dort ; et si, dans la tombe où nous l’avons laissée,

Quelque fête des morts la réveille glacée,

Par une belle nuit d’hiver,

Un spectre au rire affreux à sa morne toilette

Préside au lieu de mère, et lui dit : Il est temps !

Et, glaçant d’un baiser sa lèvre violette,

Passe les doigts noueux de sa main de squelette

Sous ses cheveux longs et flottants.

Puis, tremblante, il la mène à la danse fatale,

Au chœur aérien dans l’ombre voltigeant ;

Et sur l’horizon gris la lune est large et pâle,

Et l’arc-en-ciel des nuits teint d’un reflet d’opale

Le nuage aux franges d’argent.