III

Vents, vous travaillerez à ce travail sublime ;

Ô vents sourds, qui jamais ne dites : c’est assez !

Vous mêlerez la pluie amère de l’abîme

À ses noirs cheveux hérissés.

Vous le fortifierez de vos rudes haleines ;

Vous l’accoutumerez aux luttes des géants ;

Vous l’effaroucherez avec vos bouches pleines

De la clameur des océans.

Et vous lui porterez, vents, du fond des campagnes,

Vents, vous lui porterez du fond des vastes eaux,

Le frisson des sapins de toutes les montagnes

Et des mâts de tous les vaisseaux.

Afin qu’il soit robuste, invincible, suprême,

Et qu’il n’ait peur de rien au bord de l’infini !

Afin qu’étant bâti par les destructeurs même,

Des maudits même il soit béni !

Afin qu’il soit sacré pour la mer sa voisine,

Que sa rumeur s’effeuille en ineffables mots,

Et qu’il grandisse, ayant la nuit dans sa racine

Et l’aurore dans ses rameaux !

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