Le poète à lui-même

Tandis que sur les bois, les prés et les charmilles,

S’épanchent la lumière et la splendeur des cieux,

Toi, poète serein, répands sur les familles,

Répands sur les enfants et sur les jeunes filles,

Répands sur les vieillards ton chant religieux !

Montre du doigt la rive à tous ceux qu’une voile

Traîne sur le flot noir par les vents agité ;

Aux vierges, l’innocence, heureuse et noble étoile ;

À la foule, l’autel que l’impiété voile ;

Aux jeunes, l’avenir ; aux vieux, l’éternité !

Fais filtrer ta raison dans l’homme et dans la femme.

Montre à chacun le vrai du côté saisissant.

Que tout penseur en toi trouve ce qu’il réclame.

Plonge Dieu dans les cœurs, et jette dans chaque âme

Un mot révélateur, propre à ce qu’elle sent.

Ainsi, sans bruit, dans l’ombre, ô songeur solitaire,

Ton esprit, d’où jaillit ton vers que Dieu bénit,

Du peuple sous tes pieds perce le crâne austère ; —

Comme un coin lent et sûr, dans les flancs de la terre

La racine du chêne entr’ouvre le granit.

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