XXIV

Quand tu me parles de gloire,

Je souris amèrement.

Cette voix que tu veux croire,

Moi, je sais bien qu’elle ment.

La gloire est vite abattue ;

L’envie au sanglant flambeau

N’épargne cette statue

Qu’assise au seuil d’un tombeau.

La prospérité s’envole,

Le pouvoir tombe et s’enfuit.

Un peu d’amour qui console

Vaut mieux et fait moins de bruit.

Je ne veux pas d’autres choses

Que ton sourire et ta voix,

De l’air, de l’ombre et des roses,

Et des rayons dans les bois !

Je ne veux, moi qui me voile

Dans la joie ou la douleur,

Que ton regard, mon étoile !

Que ton haleine, ô ma fleur !

Sous ta paupière vermeille

Qu’inonde un céleste jour,

Tout un univers sommeille.

Je n’y cherche que l’amour !

Ma pensée, urne profonde,

Vase à la douce liqueur,
Qui pourrait emplir le monde,

Ne veut emplir que ton cœur !

Chante ! en moi l’extase coule.

Ris-moi ! c’est mon seul besoin.

Que m’importe cette foule

Qui fait sa rumeur au loin !

Dans l’ivresse où tu me plonges,

En vain, pour briser nos noeuds,

Je vois passer dans mes songes

Les poètes lumineux.

Je veux, quoi qu’ils me conseillent,

Préférer, jusqu’à la mort,

Aux fanfares qui m’éveillent

Ta chanson qui me rendort.

Je veux, dût mon nom suprême

Au front des cieux s’allumer,

Qu’une moitié de moi-même

Reste ici-bas pour t’aimer !

Laisse-moi t’aimer dans l’ombre,

Triste, ou du moins sérieux.

La tristesse est un lieu sombre

Où l’amour rayonne mieux.

Ange aux yeux pleins d’étincelles,

Femme aux jours de pleurs noyés,

Prends mon âme sur tes ailes,

Laisse mon cœur à tes pieds !

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