XIV

Louis, voici le temps de respirer les roses,

Et d’ouvrir bruyamment les vitres longtemps closes ;

Le temps d’admirer en rêvant

Tout ce que la nature a de beautés divines

Qui flottent sur les monts, les bois et les ravines

Avec l’onde, l’ombre et le vent !

Louis, voici le temps de reposer son âme

Dans ce calme sourire empreint de vague flamme

Qui rayonne au front du ciel pur ;

De dilater son cœur ainsi qu’une eau qui fume,

Et d’en faire envoler la nuée et la brume

A travers le limpide azur !

O Dieu ! que les amants sous les vertes feuillées

S’en aillent, par l’hiver pauvre ailes mouillées !

Qu’ils errent, joyeux et vainqueurs !

Que le rossignol chante, oiseau dont la voix tendre

Contient de l’harmonie assez pour en répandre

Sur tout l’amour qui sort des cœurs !

Que, blé qui monte, enfant qui joue, eau qui murmure,

Fleur rose où le semeur rêve une pêche mûre,

Que tout semble rire ou prier !

Que le chevreau gourmand, furtif et plein de grâces,

De quelque arbre incliné mordant les feuilles basses,

Fasse accourir le chevrier !

Qu’on songe aux deuils passés en se disant : qu’était-ce ?

Que rien sous le soleil ne garde de tristesse !

Qu’un nid chante sur les vieux troncs !
Nous, tandis que de joie au loin tout vibre et tremble,

Allons dans la forêt, et là, marchant ensemble,

Si vous voulez, nous songerons.

Nous songerons tous deux à cette belle fille

Qui dort là-bas sous l’herbe où le bouton d’or brille,

Où l’oiseau cherche un grain de mil,

Et qui voulait avoir, et qui, triste chimère !

S’était fait cet hiver promettre par sa mère

Une robe verte en avril.

Avril 1837

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