la péri.

Ma sphère est l’Orient, région éclatante,

Où le soleil est beau comme un roi dans sa tente !

Son disque s’y promène en un ciel toujours pur.

Ainsi, portant l’émir d’une riche contrée,

Aux sons de la flûte sacrée,

Vogue un navire d’or sur une mer d’azur.

Tous les dons ont comblé la zone orientale.

Dans tout autre climat, par une loi fatale,

Près des fruits savoureux croissent les fruits amers ;

Mais Dieu, qui pour l’Asie a des yeux moins austères,

Y donne plus de fleurs aux terres,

Plus d’étoiles aux cieux, plus de perles aux mers.

Mon royaume s’étend depuis ces catacombes

Qui paraissent des monts et ne sont que des tombes,

Jusqu’à ce mur qu’un peuple ose en vain assiéger,

Qui, tel qu’une ceinture où le Cathay respire,

Environnant tout un empire,

Garde dans l’univers comme un monde étranger.

J’ai de vastes cités qu’en tous lieux on admire :

Lahore aux champs fleuris ; Golconde ; Cachemire ;

La guerrière Damas ; la royale Ispahan ;

Bagdad, que ses remparts couvrent comme une armure ;

Alep, dont l’immense murmure

Semble au pâtre lointain le bruit d’un océan.

Mysore est sur son trône une reine placée ;

Médine aux mille tours, d’aiguilles hérissée,

Avec ses flèches d’or, ses kiosques brillants,

Est comme un bataillon, arrêté dans les plaines,

Qui, parmi ses tentes hautaines,

Élève une forêt de dards étincelants.

On dirait qu’au désert, Thèbes, debout encore,

Attend son peuple entier, absent depuis l’aurore.

Madras a deux cités dans ses larges contours.

Plus loin brille Delhy, la ville sans rivales,

Et sous ses portes triomphales

Douze éléphants de front passent avec leurs tours.

Bel enfant ! viens errer, parmi tant de merveilles,

Sur ces toits pleins de fleurs ainsi que des corbeilles,

Dans le camp vagabond des arabes ligués.

Viens ; nous verrons danser les jeunes bayadères,

Le soir, lorsque les dromadaires

Près du puits du désert s’arrêtent fatigués.

Là, sous de verts figuiers, sous d’épais sycomores,

Luit le dôme d’étain du minaret des maures ;

La pagode de nacre au toit rose et changeant ;

La tour de porcelaine aux clochettes dorées ;

Et, dans les jonques azurées,

Le palanquin de pourpre aux longs rideaux d’argent.

J’écarterai pour toi les rameaux du platane

Qui voile dans son bain la rêveuse sultane ;

Viens, nous rassurerons contre un ingrat oubli

La vierge qui, timide, ouvrant la nuit sa porte,

Écoute si le vent lui porte

La voix qu’elle préfère au chant du bengali.

L’Orient fut jadis le paradis du monde.

Un printemps éternel de ses roses l’inonde,

Et ce vaste hémisphère est un riant jardin.

Toujours autour de nous sourit la douce joie ;

Toi qui gémis, suis notre voie,

Que t’importe le ciel, quand je t’ouvre l’eden ?

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