ODE VINGTIÈME. PROMENADE.

Ni dans la grande salle, ni dans la chambre peinte, mais dans le riant et vert bocage, parmi les lys en fleur.

Ballade de Robin Hood.

Voici les lieux chers à ma rêverie,
Voici les prés dont j’ai chanté les fleurs…

Amable Tastu. La Lyre égarée.

Ceins le voile de gaze, aux pudiques couleurs,

Où ta féconde aiguille a semé tant de fleurs !

Viens respirer sous les platanes ;

Couvre-toi du tissu, trésor de Cachemir,

Qui peut-être a caché le poignard d’un émir,

Ou le sein jaloux des sultanes.

Aux lueurs du couchant vois fumer les hameaux.

La vapeur monte et passe ; ainsi s’en vont nos maux,

Gloire, ambition, renommée !

Nous brillons tour à tour, jouets d’un fol espoir ;

Tel ce dernier rayon, ce dernier vent du soir

Dore et berce un peu de fumée.

À l’heure où le jour meurt à l’horizon lointain,

Qu’il m’est doux, près d’un cœur qui bat pour mon destin,

D’égarer mes pas dans la plaine !

Qu’il m’est doux près de toi d’errer libre d’ennuis,

Quand tu mêles, pensive, à la brise des nuits

Le parfum de ta douce haleine !

C’est pour un tel bonheur, dès l’enfance rêvé,

Que j’ai longtemps souffert et que j’ai tout bravé.

Dans nos temps de fureurs civiles,

Je te dois une paix que rien ne peut troubler.

Plus de vide en mes jours ! Pour moi tu sais peupler

Tous les déserts, même les villes !

Chaque étoile à son tour vient apparaître au ciel.

Tels, quand un grand festin d’ambroisie et de miel

Embaume une riche demeure,

Souvent, sur le velours et le damas soyeux,

On voit les plus hâtifs des convives joyeux

S’asseoir au banquet avant l’heure.

Vois, — c’est un météore ! il éclate et s’éteint.

Plus d’un grand homme aussi, d’un mal secret atteint,

Rayonne et descend dans la tombe.

Le vulgaire l’ignore et suit le tourbillon ;

Au laboureur courbé le soir sur le sillon

Qu’importe l’étoile qui tombe ?

Ah ! tu n’es point ainsi, toi dont les nobles pleurs

De toute âme sublime honorent les malheurs !

Toi qui gémis sur le poëte !

Toi qui plains la victime et surtout les bourreaux !

Qui visites souvent la tombe des héros,

Silencieuse, et non muette !

Si quelque ancien château, devant tes pas distraits,

Lève son donjon noir sur les noires forêts,

Bien loin de la ville importune,

Tu t’arrêtes soudain ; et ton œil tour à tour

Cherche et perd à travers les créneaux de la tour

Le pâle croissant de la lune.

C’est moi qui t’inspirai d’aimer ces vieux piliers,

Ces temples où jadis les jeunes chevaliers

Priaient, armés par leur marraine ;

Ces palais où parfois le poëte endormi

A senti sur sa bouche entr’ouverte à demi

Tomber le baiser d’une reine.

Mais rentrons ; vois le ciel d’ombres s’environner ;

Déjà le frêle esquif qui nous doit ramener

Sur les eaux du lac étincelle ;

Cette barque ressemble à nos jours inconstants

Qui flottent dans la nuit sur l’abîme des temps ;

Le gouffre porte la nacelle !

La vie à chaque instant fuit vers l’éternité ;

Et le corps, sur la terre où l’âme l’a quitté,

Reste comme un fardeau frivole.

Ainsi quand meurt la rose, aux royales couleurs,

Sa feuille, que l’aurore en vain baigne de pleurs,

Tombe, et son doux parfum s’envole !

12 octobre 1825.

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