IV

Dans la nuit des forfaits, dans l’éclat des victoires,

Cet homme, ignorant Dieu qui l’avait envoyé,

De cités en cités promenant ses prétoires,

Marchait, sur sa gloire appuyé.

Sa dévorante armée avait, dans son passage,

Asservi les fils de Pélage

Devant les fils de Galgacus ;

Et, quand dans leurs foyers il ramenait ses braves,

Aux fêtes qu’il vouait à ces vainqueurs esclaves,

Il invitait les rois vaincus !

Dix empires conquis devinrent ses provinces.

Il ne fut pas content dans son orgueil fatal.

Il ne voulait dormir qu’en une cour de princes,

Sur un trône continental.

Ses aigles, qui volaient sous vingt cieux parsemées,

Au nord, de ses longues armées

Guidèrent l’immense appareil ;

Mais là parut l’écueil de sa course hardie,

Les peuples sommeillaient : un sanglant incendie

Fut l’aurore du grand réveil.

Il tomba roi ; — puis, dans sa route,

Il voulut, fantôme ennemi,

Se relever, afin sans doute

De ne plus tomber à demi.

Alors, loin de sa tyrannie,

Pour qu’une effrayante harmonie

Frappât l’orgueil anéanti,

On jeta ce captif suprême

Sur un rocher, débris lui-même

De quelque ancien monde englouti.

Là, se refroidissant comme un torrent de lave,

Gardé par ses vaincus, chassé de l’univers,

Ce reste d’un tyran, en s’éveillant esclave,

N’avait fait que changer de fers.

Des trônes restaurés écoutant la fanfare,

Il brillait de loin comme un phare,

Montrant l’écueil au nautonier.

Il mourut. — Quand ce bruit éclata dans nos villes,

Le monde respira dans les fureurs civiles,

Délivré de son prisonnier.

Ainsi l’orgueil s’égare en sa marche éclatante,

Colosse né d’un souffle et qu’un regard abat.

Il fit du glaive un sceptre, et du trône une tente.

Tout son règne fut un combat.

Du fléau qu’il portait lui-même tributaire,

Il tremblait, prince de la terre ;

Soldat, on vantait sa valeur.

Retombé dans son cœur comme dans un abîme,

Il passa par la gloire, il passa par le crime,

Et n’est arrivé qu’au malheur.

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