I

Pourquoi m’apportez-vous ma lyre,

Spectres légers ? — que voulez-vous ?

Fantastiques beautés, ce lugubre sourire

M’annonce-t-il votre courroux ?

Sur vos écharpes éclatantes

Pourquoi flotte à longs plis ce crêpe menaçant ?

Pourquoi sur des festons ces chaînes insultantes,

Et ces roses, teintes de sang ?

Retirez-vous : rentrez dans les sombres abîmes…

Ah ! que me montrez-vous ?… quels sont ces trois tombeaux ?

Quel est ce char affreux, surchargé de victimes ?

Quels sont ces meurtriers, couverts d’impurs lambeaux ?

J’entends des chants de mort ; j’entends des cris de fête.
Cachez-moi le char qui s’arrête !…

Un fer lentement tombe à mes regards troublés ; —

J’ai vu couler du sang… Est-il bien vrai, parlez,

Qu’il ait rejailli sur ma tête ?

Venez-vous dans mon âme éveiller le remord ?

Ce sang… je n’en suis point coupable !

Fuyez, vierges ; fuyez, famille déplorable :

Lorsque vous n’étiez plus, je n’étais pas encor.

Qu’exigez-vous de moi ? J’ai pleuré vos misères ;

Dois-je donc expier les crimes de mes pères ?

Pourquoi troublez-vous mon repos ?

Pourquoi m’apportez-vous ma lyre frémissante ?

Demandez-vous des chants à ma voix innocente,

Et des remords à vos bourreaux ?

Share on Twitter Share on Facebook