I

Par ses propres fureurs le Maudit se dévoile ;

Dans le démon vainqueur on voit l’ange proscrit ;

L’anathème éternel, qui poursuit son étoile,

Dans ses succès même est écrit.

Il est, lorsque des cieux nous oublions la voie,

Des jours, que Dieu sans doute envoie

Pour nous rappeler les enfers ;

Jours sanglants qui, voués au triomphe du crime,

Comme d’affreux rayons échappés de l’abîme,

Apparaissent sur l’univers.

Poëtes qui toujours, loin du siècle où nous sommes,

Chantres des pleurs sans fin et des maux mérités,

Cherchez des attentats tels que la voix des hommes

N’en ait point encor racontés,

Si quelqu’un vient à vous vantant la jeune France,

Nos exploits, notre tolérance,

Et nos temps féconds en bienfaits,

Soyez contents ; lisez nos récentes histoires,

Évoquez nos vertus, interrogez nos gloires :

Vous pourrez choisir des forfaits !

Moi, je n’ai point reçu de la Muse funèbre

Votre lyre de bronze, ô chantres des remords !

Mais je voudrais flétrir les bourreaux qu’on célèbre,

Et venger la cause des morts.

Je voudrais, un moment, troublant l’impur Génie,

Arrêter sa gloire impunie

Qu’on pousse à l’immortalité ;

Comme autrefois un grec, malgré les vents rapides,

Seul, retint de ses bras, de ses dents intrépides,

L’esquif sur les mers emporté !