II

Quiberon vit jadis, sur son bord solitaire,

Des français assaillis s’apprêter à mourir,

Puis, devant les deux chefs, l’airain fumant se taire,

Et les rangs désarmés s’ouvrir.

Pour sauver ses soldats l’un d’eux offrit sa tête ;

L’autre accepta cette conquête,

De leur traité gage inhumain ;

Et nul guerrier ne crut sa promesse frivole,

Car devant les drapeaux, témoins de leur parole,

Tous deux s’étaient donné la main !

La phalange fidèle alors livra ses armes.

Ils marchaient ; une armée environnait leurs pas,

Et le peuple accourait, en répandant des larmes,

Voir ces preux, sauvés du trépas.

Ils foulaient en vaincus les champs de leurs ancêtres ;

Ce fut un vieux temple, sans prêtres,

Qui reçut ces vengeurs des rois ;

Mais l’humble autel manquait à la pieuse enceinte,

Et, pour se consoler, dans cette prison sainte,

Leurs yeux en vain cherchaient la croix.

Tous prièrent ensemble, et, d’une voix plaintive,

Tous, se frappant le sein, gémirent à genoux.

Un seul ne pleurait pas dans la tribu captive :

C’était lui qui mourait pour tous ;

C’était Sombreuil, leur chef. Jeune et plein d’espérance,

L’heure de son trépas s’avance ;

Il la salue avec ferveur.

Le supplice, entouré des apprêts funéraires,

Est beau pour un chrétien qui, seul, va pour ses frères

Expirer, semblable au Sauveur.

« Oh ! cessez, disait-il, ces larmes, ces reproches,

Guerriers ; votre salut prévient tant de douleurs !

Combien à votre mort vos amis et vos proches,

Hélas ! auraient versé de pleurs !

Je romps avec vos fers mes chaînes éphémères ;

À vos épouses, à vos mères,

Conservez vos jours précieux.

On vous rendra la paix, la liberté, la vie ;

Tout ce bonheur n’a rien que mon cœur vous envie ;

Vous, ne m’enviez pas les cieux. »

Le sinistre tambour sonna l’heure dernière,

Les bourreaux étaient prêts ; on vit Sombreuil partir.

La sœur ne fut point là pour leur ravir le frère, —

Et le héros devint martyr.

L’exhortant de la voix et de son saint exemple,

Un évêque, exilé du temple,

Le suivit au funeste lieu ;

Afin que le vainqueur vît, dans son camp rebelle,

Mourir, près d’un soldat à son prince fidèle,

Un prêtre fidèle à son Dieu !

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