I

Je rends grâce au Seigneur : il m’a donné la vie !

La vie est chère à l’homme, entre les dons du ciel ;

Nous bénissons toujours le Dieu qui nous convie

Au banquet d’absinthe et de miel.

Un nœud de fleurs se mêle aux fers qui nous enlacent ;

Pour vieillir parmi ceux qui passent,

Tout homme est content de souffrir ;

L’éclat du jour nous plaît ; l’air des cieux nous enivre.

Je rends grâce au Seigneur : — c’est le bonheur de vivre

Qui fait la gloire de mourir !

Malheureux le mortel qui meurt, triste victime,

Sans qu’un frère sauvé vive par son trépas,

Sans refermer sur lui, comme un romain sublime,

Le gouffre où se perdent ses pas !

Infortuné le peuple, en proie à l’anathème,

Qui voit, se consumant lui-même,

Périr son nom et son orgueil,

Sans que toute la terre à sa chute s’incline,

Sans qu’un beau souvenir reste sur sa ruine,

Comme un flambeau sur un cercueil !

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