IV

Quelques hommes pourtant, qu’un feu secret anime,

Se lèvent de la foule, et chacun dans leurs yeux

Cherche quel beau destin, quel avenir sublime

Rayonne sur leurs fronts joyeux. —

Un triomphe éclatant peut-être les réclame ?

Quel espoir enivre leur âme ?

Quel bien ? quel trésor ? quel honneur ?… —

Ainsi toujours, hélas ! dans ce monde stérile,

Si la vertu paraît, à son aspect tranquille

Nous la prenons pour le bonheur !

Ô peuples ! ces mortels, qu’un Dieu guide et seconde,

Vont d’un pas assuré, d’un regard radieux,

Combattre le fléau devant qui fuit le monde :

Adressez-leur vos longs adieux.

Et vous, ô leurs parents, leurs épouses, leurs mères !

Contenez vos larmes amères ;

Laissez les victimes s’offrir ;

Ne les poursuivez pas de plaintes téméraires ;

Devaient-ils préférer aucun d’entre leurs frères

À ceux pour qui l’on peut mourir ?

Bientôt s’ouvre pour eux la cité solitaire.

Mille spectres vivants les appellent en pleurs,

Surpris qu’il soit encore un mortel sur la terre

Qui vienne au cri de leurs douleurs.

Ils parlent ; et déjà leur voix rassure et guide

Ces peuples qu’un fléau livide

Pousse au tombeau d’un bras de fer,

Et le monstre, attaqué dans les murs qu’il opprime,

Frémit comme Satan, quand, sauveur et victime,

Un Dieu parut dans son enfer !

Ils contemplent de près l’hydre non assouvie.

Pour ravir ses secrets résignés à leur sort,

Leur art audacieux lui dispute la vie,

Ou l’interroge dans la mort.

Quand leurs secours sont vains, leur prière console.

Le mourant croit à leur parole

Que le ciel ne peut démentir ;

Et si le trépas même, enfin, frappe leur tête,

De l’apôtre serein l’humble voix ne s’arrête

Qu’au dernier souffle du martyr.

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