V

Ô mortels trop heureux ! qui pourrait vous atteindre,

Vous qui domptez la mort en affrontant ses coups ?

Lorsqu’en vous admirant la foule ose vous plaindre

Je vous suis de mes pleurs jaloux.

Infortuné ! jamais, victime volontaire,

Je n’irai, pour sauver la terre,

Braver un fléau dévorant,

Ni, calmant par mes soins ses douleurs meurtrières,

Mêler ma plainte amie et mes saintes prières

Aux soupirs impurs d’un mourant !

Hélas ! ne puis-je aussi m’immoler pour mes frères ?

N’est-il plus d’opprimés ? n’est-il plus de bourreaux ?

Sur quel noble échafaud, dans quels murs funéraires

Chercher le trépas des héros ?

Oui, que brisant mon corps, la torture sanglante,

Sur la croix, à ma soif brûlante

Offre le breuvage de fiel,

Fier et content, Seigneur, je dirai vos louanges ;

Car l’ange du martyre est le plus beau des anges

Qui portent les âmes au ciel !

Décembre 1821.

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