Je comprends : — l’étranger, qui nous croit sans mémoire,
Veut, feuillet par feuillet, déchirer notre histoire,
Écrite avec du sang, à la pointe du fer. —
Ose-t-il, imprudent ! heurter tant de trophées ?
De ce bronze, forgé de foudres étouffées,
Chaque étincelle est un éclair !
Est-ce Napoléon qu’il frappe en notre armée ?
Veut-il, de cette gloire en tant de lieux semée,
Disputer l’héritage à nos vieux généraux ?
Pour un fardeau pareil il a la main débile :
L’Empire d’Alexandre et les armes d’Achille
Ne se partagent qu’aux héros.
Mais non ! l’autrichien, dans sa fierté qu’il dompte,
Est content si leurs noms ne disent que sa honte.
Il fait de sa défaite un titre à nos guerriers,
Et, craignant des vainqueurs moins que des feudataires,
Il pardonne aux fleurons de nos ducs militaires,
Si ce ne sont que des lauriers.
Bronze ! il n’a donc jamais, fier pour une victoire,
Subi de tes splendeurs l’aspect expiatoire ?
D’où vient tant de courage à cet audacieux ?
Croit-il impunément toucher à nos annales ?
Et comment donc lit-il ces pages triomphales
Que tu déroules dans les cieux ?
Est-ce un langage obscur à ses regards timides ?
Eh ! qu’il s’en fasse instruire au pied des Pyramides,
À Vienne, au vieux Kremlin, au morne Escurial !
Qu’il en parle à ces rois, cour dorée et nombreuse,
Qui naguère peuplait d’une tente poudreuse
Le vestibule impérial !