IV

À quoi pense-t-il donc, l’étranger qui nous brave ?

N’avions-nous pas hier l’Europe pour esclave ?

Nous, subir de son joug l’indigne talion !

Non ! au champ du combat nous pouvons reparaître.

On nous a mutilés ; mais le temps a peut-être

Fait croître l’ongle du lion.

De quel droit viennent-ils découronner nos gloires ?

Les Bourbons ont toujours adopté des victoires.

Nos rois t’ont défendu d’un ennemi tremblant,

Ô Trophée ! à leurs pieds tes palmes se déposent ;

Et si tes quatre aigles reposent,

C’est à l’ombre du drapeau blanc.
Quoi ! le globe est ému de volcans électriques ;

Derrière l’océan grondent les Amériques ;

Stamboul rugit ; Hellé remonte aux jours anciens ;

Lisbonne se débat aux mains de l’Angleterre…

Seul, le vieux peuple franc s’indigne que la terre

Tremble à d’autres pas que les siens !
Prenez garde, étrangers ! — nous ne savons que faire !

La paix nous berce en vain dans son oisive sphère,

L’arène de la guerre a pour nous tant d’attrait !

Nous froissons dans nos mains, hélas ! inoccupées,

Des lyres, à défaut d’épées !

Nous chantons, comme on combattrait !

Prenez garde ! — La France, où grandit un autre âge,

N’est pas si morte encor qu’elle souffre un outrage !

Les partis pour un temps voileront leur tableau.

Contre une injure, ici, tout s’unit, tout se lève,

Tout s’arme, et la Vendée aiguisera son glaive

Sur la pierre de Waterloo.

Vous dérobez des noms ! — Quoi donc ! faut-il qu’on aille

Lever sur tous vos champs des titres de bataille ?

Faut-il, quittant ces noms par la valeur trouvés,

Pour nos gloires, chez vous, chercher d’autres baptêmes ?

Sur l’airain de vos canons mêmes

Ne sont-ils point assez gravés ?

L’étranger briserait le blason de la France !

On verrait, enhardi par notre indifférence,

Sur nos fiers écussons tomber son vil marteau !

Ah ! comme ce romain qui remuait la terre,

Vous portez, ô français ! et la paix et la guerre

Dans le pli de votre manteau.

Votre aile en un moment touche, à sa fantaisie,

L’Afrique par Cadix et par Moscou l’Asie.

Vous chassez en courant anglais, russes, germains ;

Les tours croulent devant vos trompettes fatales ;
Et de toutes les capitales

Vos drapeaux savent les chemins.

Quand leur destin se pèse avec vos destinées,

Toutes les nations s’inclinent détrônées.

La gloire pour vos noms n’a point assez de bruit.

Sans cesse autour de vous les états se déplacent.

Quand votre astre paraît, tous les autres s’effacent ;

Quand vous marchez, l’univers suit !

Que l’Autriche en rampant de nœuds vous environne,

Les deux géants de France ont foulé sa couronne !

L’histoire, qui des temps ouvre le Panthéon,

Montre empreints aux deux fronts du vautour d’Allemagne

La sandale de Charlemagne,

L’éperon de Napoléon.

Allez ! — Vous n’avez plus l’aigle qui de son aire

Sur tous les fronts trop hauts portait votre tonnerre ;

Mais il vous reste encor l’oriflamme et les lys.

Mais c’est le coq gaulois qui réveille le monde ;

Et son cri peut promettre à votre nuit profonde

L’aube du soleil d’Austerlitz !

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