Voilà de quels dédains leurs âmes satisfaites
Accueilleraient, ami, Dieu même et ses prophètes !
Et puis, tu les verrais, vainement irrité,
Continuer, joyeux, quelque festin folâtre,
Ou pour dormir aux sons d’une lyre idolâtre
Se tourner de l’autre côté.
Mais qu’importe ! accomplis ta mission sacrée.
Chante, juge, bénis ; ta bouche est inspirée !
Le Seigneur en passant t’a touché de sa main ;
Et, pareil au rocher qu’avait frappé Moïse,
Pour la foule au désert assise,
La poésie en flots s’échappe de ton sein !
Moi, fussé-je vaincu, j’aimerai ta victoire.
Tu le sais, pour mon cœur ami de toute gloire,
Les triomphes d’autrui ne sont pas un affront.
Poëte, j’eus toujours un chant pour les poëtes ;
Et jamais le laurier qui pare d’autres têtes
Ne jeta d’ombre sur mon front !
Souris même à l’envie amère et discordante.
Elle outrageait Homère, elle attaquait le Dante.
Sous l’arche triomphale elle insulte au guerrier.
Il faut bien que ton nom dans ses cris retentisse ;
Le temps amène la justice :
Laisse tomber l’orage et grandir ton laurier !