IV

Nos sages répondront : « Que nous veulent ces hommes ?

Ils ne sont pas du monde et du temps dont nous sommes.

Ces poëtes sont-ils nés au sacré vallon ?

Où donc est leur Olympe ? où donc est leur Parnasse ?

Quel est leur Dieu qui nous menace ?

A-t-il le char de Mars ? A-t-il l’arc d’Apollon ?

« S’ils veulent emboucher le clairon de Pindare,

N’ont-ils pas Hiéron, la fille de Tyndare,

Castor, Pollux, l’Élide et les Jeux des vieux temps ;

L’arène où l’encens roule en longs flots de fumée,
La roue aux rayons d’or, de clous d’airain semée,

Et les quadriges éclatants ?

« Pourquoi nous effrayer de clartés symboliques ?

Nous aimons qu’on nous charme en des chants bucoliques,

Qu’on y fasse lutter Ménalque et Palémon.

Pour dire l’avenir à notre âme débile,

On a l’écumante Sibylle,

Que bat à coups pressés l’aile d’un noir démon.

« Pourquoi dans nos plaisirs nous suivre comme une ombre ?

Pourquoi nous dévoiler dans sa nudité sombre

L’affreux sépulcre, ouvert devant nos pas tremblants ?

Anacréon, chargé du poids des ans moroses,

Pour songer à la mort se comparait aux roses

Qui mouraient sur ses cheveux blancs.

« Virgile n’a jamais laissé fuir de sa lyre

Des vers qu’à Lycoris son Gallus ne pût lire.

Toujours l’hymne d’Horace au sein des ris est né ;

Jamais il n’a versé de larmes immortelles :

La poussière des cascatelles

Seule a mouillé son luth, de myrtes couronné ! »

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