Nos sages répondront : « Que nous veulent ces hommes ?
Ils ne sont pas du monde et du temps dont nous sommes.
Ces poëtes sont-ils nés au sacré vallon ?
Où donc est leur Olympe ? où donc est leur Parnasse ?
Quel est leur Dieu qui nous menace ?
A-t-il le char de Mars ? A-t-il l’arc d’Apollon ?
« S’ils veulent emboucher le clairon de Pindare,
N’ont-ils pas Hiéron, la fille de Tyndare,
Castor, Pollux, l’Élide et les Jeux des vieux temps ;
L’arène où l’encens roule en longs flots de fumée,
La roue aux rayons d’or, de clous d’airain semée,
Et les quadriges éclatants ?
« Pourquoi nous effrayer de clartés symboliques ?
Nous aimons qu’on nous charme en des chants bucoliques,
Qu’on y fasse lutter Ménalque et Palémon.
Pour dire l’avenir à notre âme débile,
On a l’écumante Sibylle,
Que bat à coups pressés l’aile d’un noir démon.
« Pourquoi dans nos plaisirs nous suivre comme une ombre ?
Pourquoi nous dévoiler dans sa nudité sombre
L’affreux sépulcre, ouvert devant nos pas tremblants ?
Anacréon, chargé du poids des ans moroses,
Pour songer à la mort se comparait aux roses
Qui mouraient sur ses cheveux blancs.
« Virgile n’a jamais laissé fuir de sa lyre
Des vers qu’à Lycoris son Gallus ne pût lire.
Toujours l’hymne d’Horace au sein des ris est né ;
Jamais il n’a versé de larmes immortelles :
La poussière des cascatelles
Seule a mouillé son luth, de myrtes couronné ! »