V

Ah ! laisse croître l’herbe en tes cours solitaires !

Que t’importe, au milieu de tes pensers austères,

Qu’on n’ose, de nos jours, saluer un héros ;

Et que, chez d’autres rois, puissants, heureux encore,

Une foule de chars ébranle dès l’aurore

Les grands pavés de marbre et l’azur des vitraux !

Tu règnes cependant ! tu règnes sur toute âme

Dont ce siècle glacé n’a pas éteint la flamme ;

Sur tout cœur né pour croire, aimer et secourir ;

Sur tous ces chevaliers que tant d’oubli protège,

Étranges courtisans dont le rare cortège

N’accourt au seuil des rois qu’à l’heure d’y mourir !

En tous lieux où la foi, l’honneur et le génie

Rendent un libre hommage à la vertu bannie,

Ton nom règne, entouré d’un éclat immortel.

Par un beau dévouement toute vie animée,

Toute gloire nouvelle, en notre âge allumée,

Est un flambeau de plus brûlant sur ton autel !

Ni maître ! ni sujet ! — Seul homme sur la terre

Qui d’un pouvoir humain ne soit pas tributaire,

Dieu seul sur tes destins a de suprêmes droits ;

Et, comme la comète aux clartés vagabondes

Marche libre à travers les soleils et les mondes,

Tu passes à côté des peuples et des rois !

30 septembre 1825.

Share on Twitter Share on Facebook