SCÈNE SEPTIÈME.

DON SALLUSTE, DON CÉSAR.

DON CÉSAR, du seuil de la porte.

Ah! j’en étais bien sûr! vous voilà donc, vieux diable!

DON SALLUSTE, se retournant, pétrifié.

Don César!

DON CÉSAR, croisant les bras avec un grand éclat de rire.

Vous tramez quelque histoire effroyable!

Mais je dérange tout, pas vrai, dans ce moment?

Je viens au beau milieu m’épater lourdement!

DON SALLUSTE, à part.

Tout est perdu!

DON CÉSAR, riant.

Depuis toute la matinée,

Je patauge à travers vos toiles d’araignée.

Aucun de vos projets ne doit être debout.

Je m’y vautre au hasard. Je vous démolis tout.

C’est très-réjouissant.

DON SALLUSTE, à part.

Démon! qu’a-t-il pu faire?

DON CÉSAR, riant de plus en plus fort.

Votre homme au sac d’argent,—qui venait pour l’affaire!

—Pour ce que vous savez!—qui vous savez!—

Il rit.

Parfait!

DON SALLUSTE.

Eh bien?

DON CÉSAR.

Je l’ai soûlé.

DON SALLUSTE.

Mais l’argent qu’il avait?

DON CÉSAR, majestueusement.

J’en ai fait des cadeaux à diverses personnes.

Dame! on a des amis.

DON SALLUSTE.

A tort tu me soupçonnes...

Je...

DON CÉSAR, faisant sonner ses grègues.

J’ai d’abord rempli mes poches, vous pensez.

Il se remet à rire.

Vous savez bien? la dame!...

DON SALLUSTE.

Oh!

DON CÉSAR, qui remarque son anxiété.

Que vous connaissez.—

Don Salluste écoute avec un redoublement d’angoisse. Don César poursuit en riant.

Qui m’envoie une duègne, affreuse compagnonne,

Dont la barbe fleurit et dont le nez trognonne...

DON SALLUSTE.

Pourquoi?

DON CÉSAR.

Pour demander, par prudence et sans bruit,

Si c’est bien don César qui l’attend cette nuit?...

DON SALLUSTE.

A part.

Ciel!

Haut.

Qu’as-tu répondu?

DON CÉSAR.

J’ai dit que oui, mon maître!

Que je l’attendais!

DON SALLUSTE, à part.

Tout n’est pas perdu peut-être!

DON CÉSAR.

Enfin, votre tueur, votre grand capitan,

Qui m’a dit sur le pré s’appeler—Guritan,

Mouvement de don Salluste.

Qui ce matin n’a pas voulu voir, l’homme sage,

Un laquais de César lui portant un message,

Et qui venait céans m’en demander raison.

DON SALLUSTE.

Eh bien! qu’en as-tu fait?

DON CÉSAR.

J’ai tué cet oison.

DON SALLUSTE.

Vrai?

DON CÉSAR.

Vrai. Là, sous le mur, à cette heure il expire.

DON SALLUSTE.

Es-tu sûr qu’il soit mort?

DON CÉSAR.

J’en ai peur.

DON SALLUSTE, à part.

Je respire!

Allons! bonté du ciel! il n’a rien dérangé!

Au contraire. Pourtant, donnons-lui son congé.

Débarrassons-nous-en! quel rude auxiliaire!

Pour l’argent, ce n’est rien.

Haut.

L’histoire est singulière.

Et vous n’avez pas vu d’autres personnes?

DON CÉSAR.

Non.

Mais j’en verrai. Je veux continuer. Mon nom,

Je compte en faire éclat tout à travers la ville.

Je vais faire un scandale affreux. Soyez tranquille.

DON SALLUSTE.

A part.

Diable!

Vivement et se rapprochant de don César.

Garde l’argent, mais quitte la maison!

DON CÉSAR.

Oui? Vous me feriez suivre! on sait votre façon.

Puis je retournerais, aimable destinée,

Contempler ton azur, ô Méditerranée!

Point.

DON SALLUSTE.

Crois-moi.

DON CÉSAR.

Non. D’ailleurs, dans ce palais-prison,

Je sens quelqu’un en proie à votre trahison.

Toute intrigue de cour est une échelle double.

D’un côté, bras liés, morne et le regard trouble,

Monte le patient; de l’autre, le bourreau.

—Or, vous êtes bourreau—nécessairement.

DON SALLUSTE.

Oh!

DON CÉSAR.

Moi, je tire l’échelle, et patatras.

DON SALLUSTE.

Je jure....

DON CÉSAR.

Je veux, pour tout gâter, rester dans l’aventure.

Je vous sais assez fort, cousin, assez subtil

Pour pendre deux ou trois pantins au même fil.

Tiens! j’en suis un! Je reste!

DON SALLUSTE.

Écoute...

DON CÉSAR.

Rhétorique.

Ah! vous me faites vendre aux pirates d’Afrique!

Ah! vous me fabriquiez ici des faux César!

Ah! vous compromettez mon nom!

DON SALLUSTE.

Hasard!

DON CÉSAR.

Hasard?

Mets que font les fripons pour les sots qui le mangent.

Point de hasard! Tant pis si vos plans se dérangent!

Mais je prétends sauver ceux qu’ici vous perdez.

Je vais crier mon nom sur les toits.

Il monte sur l’appui de la fenêtre et regarde au dehors.

Attendez!

Juste! des alguazils passent sous la fenêtre.

Il passe son bras à travers les barreaux, et l’agite en criant.

Holà!

DON SALLUSTE, effaré, sur le devant du théâtre.

A part.

Tout est perdu s’il se fait reconnaître!

Entrent des alguazils précédés d’un alcade. Don Salluste paraît en proie à une vive perplexité. Don César va vers l’alcade d’un air de triomphe.

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