En outre, les intrigues rivales de l’Autriche et de la Prusse qui cherchaient à dominer l’Allemagne éveillaient de justes défiances. Lorsqu’on 1785 se forma « La Ligue des princes allemands », dirigée par la Prusse, elle fut plutôt un moyen de combat imaginé par celle-ci contre l’Autriche qu’un moyen d’émancipation pour l’Allemagne. Ainsi la conscience nationale n’avait aucun centre politique où elle pût s’attacher et le Reichstag, l’Assemblée d’Empire où se réunissaient les représentants des princes et des villes, n’avait qu’un semblant de vie. On n’y discutait même plus : les princes ne prenaient plus la peine d’y venir en personne : ils y faisaient connaître leur volonté par des mémoires que lisaient leurs secrétaires et, naturellement, de cet échange protocolaire de pensées diverses et confuses, qui se refusaient à toute délibération et à toute adaptation, aucun mouvement-ne pouvait naître.
Les Allemands cherchaient à se consoler de leur impuissance à se créer une vie nationale en se disant que par là ils vivaient plus librement d’une vie humaine. Gœthe, en deux vers qui constataient cette radicale incapacité, disait aux Allemands :
« C’est en vain que vous espérez, vous, Allemands, former une nation. Mais c’est une raison de plus pour vous de devenir des hommes libres : et cela, vous le pouvez. »
Illusion puérile et mensonge des mots ! Car, comment séparer l’homme du citoyen, du producteur ?
Comment l’homme peut-il être libre, si le citoyen est opprimé, si le producteur est chargé d’entraves ? Pour libérer « l’homme », il fallait à l’Allemagne comme à la France une révolution ; or, cette révolution n’était possible que par un mouvement concerté et vaste, et ce mouvement même supposait une vie nationale puissante et une.