L’AFFAIRE DE FRANCFORT

Mais soudain le destin s’aggrave encore. La résistance de l’Allemagne à la Révolution commence à devenir plus active. La proclamation de Custine contre le margrave de Hesse soulève contre Custine les Hessois blessés dans leur amour-propre par toute attaque de leur chef. Et, à Francfort, la petite garnison française est obligée de capituler. Le 1er décembre, pendant que les Hessois lui donnent l’assaut, presque toute la population la presse. Et le soulèvement universel d’une ville semble annoncer, pour une date un peu lointaine encore, le soulèvement universel de l’Allemagne.

Forster sentait sur lui un terrible fardeau : l’hypothèse d’un siège prochain de Mayence n’était plus absurde. Le peuple hochait la tête et les prêtres criaient malheur dans la cité. Une lourde somnolence, qu’aiguillonnait seulement l’intérêt le plus immédiat, pesait sur les esprits.

« La lâcheté et l’indifférence allemandes, écrit Forster le 6 décembre, soulèvent la colère. Rien ne s’émeut encore et il vient toujours des gens pour nous dire que tous se prononceraient pour la liberté si on faisait remise de tous les impôts. Etre maltraité, trompé, opprimé, cela ne compte pas et il n’y a rien là qui puisse décider les hommes à secouer le joug. Ce qu’il faut, c’est l’assurance complète qu’on n’aura rien à faire, aucun devoir à remplir. »

Le désaveu le plus amer venait au pauvre combattant, celui des savants et des lettrés d’Allemagne.

« Je reçois de Voss (1er janvier 1793) une lettre lamentable. Tout ce qu’il avait prévu arrive : les savants de Berlin raisonnent sur moi ; on me méconnaît ; on me maltraite dans toute l’Allemagne ; je passe pour le principal auteur des maux de Mayence ; on imprime contre moi des libelles infamants. Oui, je le sais. Ceux qui me jugent ainsi n’ont pas de cœur. La fainéantise savante corrompt tous ces gens-là à fond. Ils ne peuvent pas comprendre un homme qui sait aussi agir à son heure et maintenant ils me trouvent méprisable parce que j’agis selon les principes qu’ils honoraient de leur approbation tant que je me bornais à les inscrire sur du papier. Mais qu’importe le qu’en dira-t-on ? »

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