LXXXI Magdeleine à Stephen

Vous le voyez, monsieur Stephen, j’avais bien raison de craindre votre amour, car il est égoïste et ne cherche que sa propre satisfaction, sans s’occuper de celle de l’objet aimé.

Dans votre billet, vous me faites pressentir que vous voulez mettre à exécution de sinistres projets. Est-ce une preuve d’attachement que vous croyez me donner ? Si vous vous tuez, vous ne pensez qu’à vous délivrer plus promptement d’un mal qui doit mourir de lui-même ; vous ne penserez pas un seul instant que vous empoisonnerez toute ma vie de funèbres souvenirs ; si vous m’aimez comme vous le dites, mon bonheur ne serait-il pas le plus cher de vos désirs ?

Après l’amour, surtout après un amour sans réalité, basé sur des chimères, tel qu’a été le nôtre, vous avez encore du bonheur à recevoir de moi, j’en ai à recevoir de vous.

Refuserez-vous mon amitié, une douce et sincère amitié, sans exaltation, sans illusions ? Et n’aurez-vous pas quelque plaisir à assurer mon bonheur, à le compléter par votre affection ? Mon bonheur n’en sera-t-il pas un pour vous, comme le vôtre pour moi, si je vous vois jamais jouir d’un bonheur réel et durable, et non savourer des illusions trompeuses ?

J’ai appris, par une voie indirecte, que vous vous êtes porté à des violences contre M. Edward. Me promettez-vous de ne jamais rien faire contre lui ni contre vous ? Si vous me le promettez, je le croirai.

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