CXXVIII MAGDELEINE À SUZANNE

Ce chagrin vague que je ressentais, ma Suzanne, était un pressentiment. Edward me quitte ; il m’a traitée indignement.

Il m’a avoué un secret qu’il me cachait depuis longtemps, c’est qu’il est complétement ruiné ; des folies incroyables, des spéculations hasardées et inutiles (puisque sa fortune et le peu que je lui en ai apporté suffisaient pour nous faire vivre dans l’aisance) l’ont jeté dans une situation dont il lui est presque impossible de sortir.

Il m’a appris qu’il avait emprunté à ton mari et à Stephen de fortes sommes qu’il lui est impossible de leur rendre, et que, d’ailleurs, il a d’autres créanciers qui exigent un prompt payement.

Croirais-tu, Suzanne, que, loin d’avoir pitié de la consternation où me jetait une nouvelle aussi inattendue, il a eu la basse cruauté de me dire que, sans la folie qu’il a faite d’épouser une fille sans fortune, il ne serait pas où il en est ; que moi et mes dépenses exagérées l’avons ruiné.

Et tu sais, Suzanne, si j’ai fait des dépenses exagérées ; et, d’ailleurs ai-je jamais hésité à me conformer à ses moindres avis ?

Je suis bien triste, ma Suzanne ; je ne sais encore quel parti il prendra ; ce qui m’inquiète le plus, c’est le sort de mon enfant.

Crois-moi, Suzanne, ce revers de fortune ne me découragerait pas ainsi sans l’ignoble injustice de mon mari.

Share on Twitter Share on Facebook