LIX Où l’auteur prend la parole – sur un proverbe

Racine dit :

Les malheurs sont souvent l’un à l’autre enchaînés.

Voici comment je m’explique qu’un bonheur semble en attirer d’autres.

Notre vie humaine n’a que quelques jours d’un intérêt vif, qui sont assez clairsemés sur un fond de jours insignifiants, ni tristes, ni gais, sans couleur aucune, comme une légère broderie sur un canevas.

Or, ces jours nombreux, sans couleur eux-mêmes, sont colorés du reflet d’un jour de bonheur ou de tristesse.

Comme dans une pinte d’eau, si vous mettez une goutte d’indigo, l’eau deviendra bleuâtre ; une goutte d’encre, elle deviendra grise ;

Si une goutte de sirop, sucrée ; si de vinaigre, âcre.

Un jour de bonheur étend ses rayons sur dix jours qui l’ont précédé ;

De même un jour de tristesse, son ombre funèbre.

Un bonheur répand un suave parfum sur notre vie, comme le chèvrefeuille embaume l’air qui l’entoure et le vent qui le balance en passant.

Les jours insignifiants sont comme les zéros, qui ne sont rien par eux-mêmes, mais prennent leur valeur du chiffre qui les précède.

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