LVII Un bon dîner

Le jour qui précédait le dimanche tant désiré, Stephen était dans sa pauvre chambre ; quelques petits morceaux de bois l’échauffaient à peine ; il faisait sa cuisine.

Une lettre arriva, elle était de Magdeleine : il n’y avait que quelques lignes :

« À demain, Stephen ; je n’ai le temps de te rien dire ; on m’attend pour un grand et splendide dîner ; la maison est déjà pleine de convives, et je ne suis pas encore parée. À demain. »

Après avoir baisé ces lignes, Stephen se mit près de sa fenêtre ; un rayon du soleil couchant entrait à travers les vitres, et il se mit à manger ses pommes de terre.

— Demain, dit-il, demain, je la verrai, je lui parlerai, j’entendrai sa douce voix résonner à mon cœur ; ses regards s’arrêteront sur les miens. Oh ! que j’aie la force de supporter ce moment ! que le bonheur ne m’écrase pas !

Et, en mangeant, il s’arrêtait de temps à autre pour relire la lettre de Magdeleine. « À demain ! » Et sa voix, en prononçant ces mots, lui serrait le cœur.

Une seconde lettre arriva, elle était d’Edward : il lui racontait ses plaisirs. « J’ai vu ta parente au bal, lui disait-il, elle est fort jolie, et beaucoup de prétendants se disputent sa main. Tu es bien fou, quand tu n’as qu’à te présenter… Suis mes avis, Stephen ; ta pauvreté finira par tuer l’imagination poétique qui te soutient. Hâte-toi ! bientôt peut-être il n’en sera plus temps, et tu en ressentiras d’amers regrets. »

— Fou, toi-même ! s’écria Stephen. Abandonner Magdeleine et mon amour, qui colore ma vie comme le soleil l’herbe ! Abandonner mon bonheur ! vendre ainsi mon avenir, quand je vais voir Magdeleine demain ! Allons, allons, tu es fou, mon cher Edward.

La lettre contenait un effet, payable à la poste, de cent florins.

Et Stephen continua joyeusement son repas.

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