Le mouron en touffes désertes
Sur le sol nu brille au soleil couchant
Comme des émeraudes vertes.
Maurice était allé passer quelques jours dans le parc de Richard et aux environs pour tuer quelques grives, avec Fischerwald ; mais celui-ci s’occupait beaucoup plus de ramasser des mousses, seule végétation que la nature conservât alors, et qui, sur la terre nue, s’étendaient comme le plus riche velours, depuis les plus belles nuances de vert jusqu’au brun doré et rougeâtre. À vrai dire, ce qui intéressait Fischerwald, ce n’était pas de regarder leurs reflets chatoyans, c’était de les classer, depuis les polytrichs, dont les ours et les Lapons savent se faire d’excellens lits ; les sphagnes, qui, par leur prodigieuse multiplication, dessèchent les marais et finissent par former d’immenses tourbières ; les lycopodes, qui de leur pistil laissent échapper une poussière jaune dont on se sert sur les théâtres pour faire les éclairs, — jusqu’aux bries, aux hypnes, aux phasques, aux marchanties, aux jungermanes, aux riccies, noms qui surchargent les nomenclatures des botanistes, dont la science nous semble souvent gâter la nature.
— Je ne sais trop pourquoi, disait Maurice à Fischerwald, tu prends la peine de porter un fusil. Je ne crois pas que, depuis cinq jours, tu aies tiré un seul coup ; j’aime à croire que ce n’est pas par mépris pour les grives.
— Si quelqu’un, reprit le docteur, s’avisait jamais de supposer que j’aie le palais assez barbare pour ne pas apprécier les grives comme elles le méritent, je promets qu’il aurait affaire à moi ; et il continua en citant Martial :
Texta rosis fortasse tibi…
At mihi de tardis facta corona placet.
« Peut-être tu aimes une couronne de roses, mais il n’est pas de couronne qui me plaise comme une couronne de grives. »
— Diable, dit Maurice en rentrant, nous ne pouvons guère sortir demain. Les oies de la basse-cour battent des ailes, et l’on entend les cloches de la ville. Nous aurons cette nuit et peut-être demain une pluie abondante.
En arrivant, le même jardinier qui autrefois lui permettait d’entrer dans le parc quand il n’y avait personne, lui remit une lettre.