XXI Le comte Leyen à Hélène

Mademoiselle,

Vous ne comprenez ni la vie ni votre situation ; il faut que je vous éclaire. Où vous mène la route que vous suivez ? à mourir dans un hôpital, sans que personne vous en sache gré ; car la vertu qu’on exige des femmes est telle que, si on les blâme de manquer aux prétendus devoirs qu’on leur impose, il n’y a que silence et oubli pour celles qui s’y astreignent.

Si vous vous rendez à mes supplications, vous vous trouverez tout d’un coup à la place que la nature semblait vous avoir assignée. Le luxe et la richesse vous entoureront ; vous serez la plus admirée et la plus enviée, comme vous êtes la plus belle des femmes ; aucune n’aura de si riches parures, de si brillans équipages, de si beaux chevaux que vous. La femme de l’électeur elle-même ne vous verra qu’avec un œil d’envie. Vous enrichirez votre famille, qui, je l’ai appris, est dans un état voisin de l’indigence. Si vous persistez au contraire dans votre funeste aveuglement, vous mourrez faute de soins, dans un asile de souffrances et de misères.

Au nom du ciel ! ne vous laissez pas influencer par les idées des autres ; examinez les deux chemins ouverts devant vous, et choisissez. Si je pensais que cela pût avoir la moindre influence sur votre détermination, je vous dirais qu’il dépend de vous de me rendre le plus heureux ou le plus malheureux des hommes.

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