XIX

Au lever du soleil, le neuvième jour, le vent de l’équinoxe tomba enfin, et, en peu d’heures, la mer redevint une mer d’été. Les montagnes mêmes de la côte de Naples, ainsi que les eaux et le ciel, semblaient nager dans un fluide plus limpide et plus bleu que pendant les mois des grandes chaleurs, comme si la mer le firmament et les montagnes eussent déjà senti ce premier frisson de l’hiver qui cristallise l’air et le fait étinceler comme l’eau figée des glaciers. Les feuilles jaunies de la vigne et les feuilles brunies des figuiers commençaient à tomber et à joncher la cour. Les raisins étaient cueillis. Les figues séchées sur l’astrico au soleil étaient emballées dans des paniers grossiers d’herbes marines tressées en nattes par les femmes. La barque était pressée d’essayer la mer et le vieux pêcheur de ramener sa famille à la Margellina. On nettoya la maison et le toit, on couvrit la source d’une grosse pierre, pour que les feuilles séchées et les eaux de l’hiver n’en corrompissent pas le bassin. On épuisa d’huile le petit puits creusé dans la roche. On mit l’huile dans des jarres ; les enfants les descendirent à la mer en passant de petits bâtons dans les anses. On fit un paquet entouré de cordes du matelas et des couvertures du lit. On alluma une dernière fois la lampe sous l’image abandonnée du foyer. On fit une dernière prière devant la Madone, pour lui recommander la maison, le figuier, la vigne que l’on quittait ainsi pour plusieurs mois. Puis l’on ferma la porte. On cacha la clef au fond d’une fente de rocher recouverte de lierre, pour que le pêcheur s’il revenait pendant l’hiver sût où la trouver et qu’il pût visiter son toit. Nous descendîmes ensuite à la mer aidant la pauvre famille à emporter et à embarquer l’huile, les pains et les fruits.

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