Beppo fut le premier qui y monta. Debout sur le petit faux-pont de la proue, il tirait un à un de la cale tout le gréement dont nous l’avions remplie : l’ancre, les cordages, les jarres à quatre anses, les belles voiles neuves, les paniers, les capotes aux larges manches ; il faisait sonner l’ancre, il élevait les rames au-dessus de sa tête, il dépliait la toile, il froissait entre ses doigts le rude duvet des manteaux, il montrait toutes ces richesses à son grand-père, à sa grand-mère, à sa sœur avec des cris et des trépignements de bonheur. Le père, la mère, Graziella pleuraient en regardant tour à tour la barque et nous.
Les marins qui avaient amené l’embarcation, cachés derrière les rochers, pleuraient aussi. Tout le monde nous bénissait. Graziella, le front baissé et plus sérieuse dans sa reconnaissance, s’approcha de sa grand-mère, et je l’entendis murmurer en nous montrant du doigt : « Vous disiez que c’étaient des païens, et quand je vous disais, moi, que ce pouvaient bien être plutôt des anges ! Qui est-ce qui avait raison ? »
La vieille femme se jeta à nos pieds et nous demanda pardon de ses soupçons. Depuis cette heure, elle nous aima presque autant qu’elle aimait sa petite-fille ou Beppo.