Elle y ajoutait ces mystérieuses superstitions du sentiment qui donnent un sens et un prix aux plus insignifiantes circonstances. Elle levait, pour ainsi dire, un à un tous les voiles de son âme devant moi. Elle se montrait comme à Dieu, dans toute la nudité de sa candeur de son enfance, de son abandon. L’âme n’a qu’une fois dans la vie de ces moments où elle se verse tout entière dans une autre âme avec ce murmure intarissable des lèvres qui ne peuvent suffire à son amoureux épanchement, et qui finissent par balbutier des sons inarticulés et confus comme des baisers d’enfant qui s’endort.
Je ne me lassais pas moi-même d’écouter de gémir et de frissonner tour à tour. Bien que mon cœur trop léger et trop vert encore de jeunesse, ne fût ni assez mûr ni assez fécond pour produire de lui-même de si brûlantes et de si divines émotions, ces émotions faisaient, en tombant dans le mien, une impression si neuve et si délicieuse, qu’en les sentant je croyais les éprouver. Erreur ! j’étais la glace et elle était le feu. En le reflétant, je croyais le produire. N’importe ; ce rayonnement, répercuté de l’un à l’autre, semblait appartenir à tous les deux et nous envelopper de l’atmosphère du même sentiment.