XXV

Rien ne jetait plus aucune ombre sur le visage de Graziella ni sur mon bonheur si ce n’est la pensée que ce bonheur serait tôt ou tard interrompu par mon retour dans mon pays. Quand on venait à prononcer le nom de la France, la pauvre fille pâlissait comme si elle eût vu le fantôme de la mort. Un jour en rentrant dans ma chambre, je trouvai tous mes habits de ville déchirés et jetés en pièces sur le plancher. « Pardonne-moi, me dit Graziella en se jetant à genoux à mes pieds, et en levant vers moi son visage décomposé ; c’est moi qui ai fait ce malheur. Oh ! ne me gronde pas ! Tout ce qui me rappelle que tu dois quitter un jour ces habits de marin me fait trop de mal ! Il me semble que tu dépouilleras ton cœur d’aujourd’hui pour en prendre un autre quand tu mettras tes habits d’autrefois ! » Excepté ces petits orages qui n’éclataient que de la chaleur de sa tendresse et qui s’apaisaient sous quelques larmes de nos yeux, trois mois s’écoulèrent ainsi dans une félicité imaginaire que la moindre réalité devait briser en nous touchant. Notre éden était sur un nuage.

Et c’est ainsi que je connus l’amour : par une larme dans des yeux d’enfant.

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