L'OEUVRE DE MER

[Le siège de l'Oeuvre de Mer, dirigée par l'amiral Lafond, est à Paris, 5, rue Bayard.]

Peut-être ai-je détourné autrefois un petit courant de sympathie et de charité vers cette race héroïque de matelots qui est vouée, de père en fils, à la pêche d'Islande. On a versé quelques larmes sur les Yann et sur les Sylvestre, sur les Gaud et les vieilles grand'mères Moan, qui sont innombrables dans ces familles de pêcheurs. Et, à une époque où la mer avait fait plus nombreux que jamais les orphelins et les veuves, mes amis inconnus ont généreusement donné sur ma demande ; j'ai eu l'inoubliable joie d'aller distribuer à Paimpol de larges aumônes.

Eh bien ! ils sont encore les heureux, ces Islandais-là, qui meurent, comme « Yann » et comme l'équipage de la Léopoldine, en pleine santé et en pleine vigueur, emportés soudainement par les lames au milieu de quelque tourmente.

Et c'est pour de plus déshérités que je tends la main aujourd'hui ; c'est pour ceux que la maladie vient prendre en mer, pendant la saison de pêche, sur ces eaux lointaines et glacées ; c'est pour ceux qui finissent là dans des agonies affreuses, éternellement secoués et éternellement mouillés, à bord de bateaux inhabitables, où personne ne sait le premier mot de ce qu'il faudrait faire pour les guérir. Ils n'ont même pas, ces braves, les secours élémentaires que le dernier de nos rouleurs de grands chemins est assuré de trouver dans les hospices de France.

Cette mortalité, par les maladies qu'on ne soigne pas, est énorme chaque année, et il est révoltant de se dire qu'on n'a pas enrayé cela encore, quand c'était si facile !

Une œuvre enfin vient de se fonder dans ce but. Une société s'est constituée pour équiper des navires-hôpitaux qui iront dans les parages d'Islande, et où les malades seront recueillis, – recueillis et presque toujours sauvés, car, en général, il suffira des moindres soins, des plus ordinaires remèdes, pour rétablir ces constitutions robustes.

Mais l'argent manque encore à cette société si nouvelle. Donc, il faudrait donner maintenant, donner pour empêcher de si misérablement mourir tous ces malades de là-bas : pères de famille vaillants et jeunes, ou fils de vieilles femmes veuves, ou grands aînés et soutiens de petites nichées à l'abandon, ou désirés de pauvres fiancées en coiffe blanche…

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