Le prince Tamatoa était assis près de moi sous la véranda du palais. C’était un peu avant les scènes atroces qui le firent enfermer de nouveau dans la prison de Taravao. Il tenait sur ses genoux sa pâle petite fille, Pomaré V, qu’il caressait doucement dans ses larges mains terribles. Et la vieille reine les considérait tous deux, avec une expression de tendresse infinie et d’inexprimable tristesse.
La petite princesse était fort triste aussi ; elle tenait à la main un oiseau mort, et contemplait une cage vide avec des yeux pleins de larmes.
C’était un oiseau chanteur, bête peu connue à Tahiti, rareté qu’on lui avait rapportée d’Amérique, et dont la possession lui avait causé une joie très grande.
– Loti, dit-elle, l’amiral à cheveux blancs nous a prévenus que ton navire irait bientôt à la terre de Californie (i te fenua California).
Quand tu reviendras de là-bas, je veux que tu m’apportes une très grande quantité d’oiseaux, une cage entièrement pleine : et je les ferai s’envoler dans les bois de Fataoua afin qu’il y ait, quand je serai grande, dans notre pays comme dans les autres, des oiseaux qui chantent…