Comment peindre ce site enchanteur, la baie d’Afareahitu !
De grands mornes noirs aux aspects fantastiques ; des forêts épaisses, de mystérieux rideaux de cocotiers se penchant sur l’eau tranquille ; – et, sous les grands arbres, quelques cases éparses, parmi les orangers et les lauriers-roses.
Au premier abord on eût dit qu’il n’y avait personne dans ce pays ombreux ; – et pourtant toute la population de Moorea nous attendait là silencieusement, à demi cachée sous les voûtes de verdure.
On respirait dans ces bois une fraîcheur humide, une étrange senteur de mousse et de plantes exotiques ; tous les chœurs d’himéné de Moorea étaient là, assis en ordre, au milieu des troncs énormes des arbres ; tous les chanteurs d’un même district étaient vêtus d’une même couleur, – les uns de blanc, les autres de vert ou de rose ; toutes les femmes étaient couronnées de fleurs, – tous les hommes, de feuilles et de roseaux. Quelques groupes, plus timides ou plus sauvages, étaient restés dans la profondeur du bois, et nous regardaient de loin venir, à moitié cachés derrière les arbres.
La reine quitta le Rendeer avec le même cérémonial qu’à l’arrivée et le bruit du canon se répercuta au loin dans les montagnes.
Elle mit pied à terre, et s’avança conduite par l’amiral. – Nous n’étions déjà plus au temps où les indigènes l’enlevaient dans leurs bras, de peur que son pied ne touchait leur sol ; la vieille coutume qui voulait que tout territoire foulé par le pied de la reine devint propriété de la couronne, est depuis longtemps oubliée en Océanie.
Une vingtaine de lanciers à cheval, composant toute la garde d’honneur de Pomaré, étaient rangés sur la plage pour nous recevoir.
Quand la reine parut, tous les chœurs d’himéné entonnèrent ensemble le traditionnel : Ia ora na œ, Pomare vahine ! (Salut à toi, reine Pomaré !) Et les bois retentirent d’une bruyante clameur.
On eût cru mettre le pied dans quelque île enchantée, qui se serait éveillée soudain sous le coup d’une baguette magique.