En suivant sous les minces cocotiers les blanches plages tahitiennes, – sur quelque pointe solitaire regardant l’immensité bleue, en quelque lieu choisi avec un goût mélancolique par des hommes des générations passées, – de loin en loin on rencontre les monticules funèbres, les grands tumulus de corail… Ce sont les maraé, les sépultures des chefs d’autrefois ; et l’histoire de ces morts qui dorment là-dessous se perd dans le passé fabuleux et inconnu qui précéda la découverte des archipels de la Polynésie.
– Dans toutes les îles habitées par les Maoris, les maraé se retrouvent sur les plages. Les insulaires mystérieux de Rapa-Nui ornaient ces tombeaux de statues gigantesques au masque horrible ; les Tahitiens y plantaient seulement des bouquets d’arbres de fer. L’arbre de fer est le cyprès de là-bas, son feuillage est triste ; le vent de la mer a un sifflement particulier en passant dans ses branches rigides… Ces tumulus restés blancs, malgré les années, de la blancheur du corail, et surmontés de grands arbres noirs, évoquent les souvenirs de la terrible religion du passé ; c’étaient aussi les autels où les victimes humaines étaient immolées à la mémoire des morts.
– Tahiti, disait Pomaré, était la seule île où, même dans les plus anciens temps, les victimes n’étaient pas mangées après le sacrifice ; on faisait seulement le simulacre du repas macabre ; les yeux, enlevés de leurs orbites, étaient mis ensemble sur un plat et servis à la reine, – horrible prérogative de la souveraineté. (Recueilli de la bouche de Pomaré.)