Un triste matin de mars, au lever incertain d’un jour brumeux, je revins à Brightbury, frapper à la porte de ma maison chérie… On ne m’attendait pas encore.
Je tombai dans les bras de ma vieille mère, qui tremblait d’émotion et de surprise. – Le bonheur et l’étonnement furent grands de me revoir.
Après les premiers moments, une impression de tristesse succède à la joie ; un serrement de cœur se mêle au charme du retour : des années ont passé depuis le départ ; on regarde ceux que l’on chérit : le temps a laissé sur eux ses traces, – on les trouve vieillis… Heureux encore, s’il n’y a point de place vide au foyer !…
C’est triste une matinée d’hiver dans nos climats du Nord, – surtout quand on a la tête toute remplie des images ensoleillées des tropiques. C’est triste, le jour pâle, le ciel morne et sans rayons, – le froid qu’on avait oublié, – les vieux arbres sans feuilles, – les tilleuls humides et moussus, – et le lierre sur les pierres grises.
Pourtant, qu’on est bien au foyer ! – quelle joie de les revoir tous, y compris les vieux serviteurs qui ont veillé sur votre enfance ; de retrouver les douces coutumes oubliées, les bonnes soirées d’hiver d’autrefois, et comme, au coin du feu, l’Océanie semble un rêve singulier !…
Le matin où je revins à Brightbury frapper à la porte de ma maison, j’encombrais la rue de bagages, de colis et de caisses énormes.
Tout ce déballage est une des distractions du retour. Les armes sauvages, les dieux maoris, les coiffures de chefs polynésiens, les coquilles et les madrépores, faisaient bizarre figure, en revoyant la lumière dans ma vieille maison, sous le ciel britannique. J’éprouvai surtout une émotion vive, en déballant les plantes séchées, les couronnes fanées, qui avaient conservé leur odeur exotique, et embaumaient ma chambre d’un parfum d’Océanie.