RARAHU A LOTI
(Un an après.)
Papeete, le 3 décembre 1874.
O mon petit ami chéri, ô mon cher objet de ma peine, je te salue par le vrai Dieu.
Je suis bien péniblement étonnée de ne pas recevoir de lettre de toi, parce que voilà cinq fois que je t’ai écrit, et jamais un mot de toi ne m’est encore parvenu.
Peut-être arrive-t-il que tu ne te souviens plus de moi, voici je vois que mes lettres t’ont été envoyées, jamais tu ne m’en as informée.
Cher objet de ma peine, pourquoi m’oublies-tu ?
Jamais maintenant je ne serai bien, la maladie, la douleur… Mais si tu m’écrivais un peu, cela réchaufferait mon cœur, mais jamais tu ne penses à cela.
Mais quant à moi, mon amour pour toi reste le même, et aussi mes larmes pour toi ; comme s’il restait dans ton cœur un peu d’amour pour moi, toi-même tu penserais à moi.
Si j’avais pu aller au loin vers toi, je serais partie, mais mon projet eût été inexécutable…
– Voici une parole concernant Papeete :
Il y a eu grande fête à Papeete le mois passé, pour la petite-fille de la reine.
Et c’était très beau, et les femmes ont dansé jusqu’au matin. – Et j’y étais aussi ; j’avais sur la tête une couronne de plume d’oiseau, – mais mon cœur était bien triste…
Et maintenant, la reine Pomaré et les siens. Et sa petite-fille Pomaré, et Ariitéa, te disent : ia ora na. Jamais rien de nouveau à Tahiti, excepté que, le Ariifaite le mari de la reine, est mort aux six mois d’août…
Jamais plus ne sera satisfait mon grand amour pour toi, mon époux !…
Hélas ! Hélas ! la petite fleur d’arum est aussi fanée maintenant !…
Avant de devenir ainsi, la petite fleur d’arum était jolie !…
Maintenant elle est fanée, elle n’est plus jolie !…
Si j’avais l’aile de l’oiseau, je partirais au loin sur le sommet de Paea, pour que personne ne me puisse plus voir…
Hélas ! Hélas ! ô mon époux chéri, ô mon ami tendrement aimé !…
Hélas ! Hélas ! mon ami chéri !…
J’ai fini de te parler. Je te salue par le vrai Dieu.
RARAHU.