XIV

Vers trois heures de l’après-midi, je fis mes adieux au chef Taïrapa, et continuai ma route.

Nous marchâmes encore une heure environ, dans des sentiers sablonneux, sur des terrains que Tatari me dit appartenir à la reine Pomaré.

Puis nous arrivâmes à une baie admirable, où des milliers de cocotiers balançaient leur tête au vent de la mer.

On se sentait sous ces grands arbres aussi écrasés, aussi infime, qu’un insecte microscopique circulant sous de grands roseaux. Toutes ces hautes tiges grêles étaient, comme le sol, d’une monotone couleur de cendre ; et, de loin en loin, un pandanus ou un laurier-rose chargé de fleurs jetait une nuance éclatante sous cette immense colonnade grise. La terre nue était semée de débris de madrépores, de palmes desséchées, de feuilles mortes. La mer, d’un bleu foncé, déferlait sur une plage de coraux brisés d’une blancheur de neige ; à l’horizon apparaissait Tahiti, à demi perdu dans la vapeur, baigné dans la grande lumière tropicale.

Le vent sifflait tristement là-dessous, comme parmi des tuyaux d’orgues gigantesques ; ma tête s’emplissait de pensées sombres, d’impressions étranges, et ces souvenirs de mon frère, que j’étais venu là invoquer, revivaient comme ceux de mon enfance, à travers la nuit du passé…

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